Cork, ville où je vis. J’aime cette ville, je m’y sens bien, je m’y sens chez moi. Je voyage souvent à cause de mon boulot, et gratuitement donc je ne me plains pas, mais l’endroit idéal reste quand même cette ville. J’y ai de nombreux souvenirs, très bons pour la plupart et c’est toujours avec joie que j’y reviens. Il y a quelques temps, j’étais de passage en Angleterre pour le boulot. C’était un séjour assez sympathique. Les anglaises sont plutôt pas mal je dois dire. Mais mes préférées restent tout de même les irlandaises. Elles sont moins… prudes. Même s’il est extrêmement rare qu’une fille me résiste. Bref. Me voilà à présent de retour à Cork.

Cependant, un rendez-vous important m’avait conduit en dehors de la ville. Je m’étais donc levé de bonne heure pour prendre la route et ainsi éviter les potentiels bouchons à cause des courses de Noël. C’est dingue le nombre de personnes sur les routes et dans les magasins à cette période de l’année. A croire que tout le monde s’y prend au dernier moment pour faire des cadeaux… Hum, il faut que je pense à acheter un cadeau à ma mère et à ma sœur… Oh, ça va, j’ai encore quelques jours avant le jour-J.

J’étais arrivé un peu en retard à mon rendez-vous, comme d’habitude, et j’avais passé une grande partie de la journée sur les lieux, à rencontrer divers photographes et autres mannequins. Enfin, si on peut les appeler des mannequins, honnêtement personne ne m’arrive à la cheville… Bref, l’heure de repartir était arrivée. J’avais hâte de retourner chez moi. A tel point que j’avais entendu mon agent me dire quelque chose avant de partir. Mais me dire quoi ? Aucune idée, je ne l’avais pas écouté. En sortant du bâtiment pour regagner ma voiture, je constatais qu’il neigeait. Oh super. Avec un peu de chance et si je rentre vite, je passerai au travers. Et puis, il ne devrait pas neiger beaucoup. Je suppose.

Après de nombreux kilomètres, je constatais que je m’étais lamentablement trompé et que mon jugement était complètement bidon. Il neigeait de plus en plus fort et la route ne tarda pas à être recouverte. Merveilleux. Au bout d’un moment, je finis même par m’arrêter en pleine route, devenue impraticable et où une file de voitures en attente était déjà stoppée. J’attendais patiemment derrière mon volant, enfilant mes gants et mettant la musique un peu plus fort pour patienter. Ecouter la radio pour connaitre l’état des routes ? Cela ne m’a même pas effleuré l’esprit.

Au bout d’un moment, je commençais à en avoir marre d’attendre. Alors, je me décidais à sortir de ma voiture pour aller voir ce qu’il se passait un peu plus loin. Plus j’avançais, plus je réalisais que nous étions bien plus nombreux que ce que j’avais imaginé à attendre que la route se débloque. Certaines personnes restaient dans leur voiture, discutant avec les passagers. D’autres écoutaient très fort la musique et d’autres encore étaient comme moi, à l’extérieur, cherchant à savoir ce qu’il se passait et surtout quand nous pourrions repartir.

Quelqu’un finit par attirer mon attention lors de mon avancée. Une jeune femme blonde. Plus je m’approchais, plus son visage me disait quelque chose. Je l’avais déjà vue quelque part, j’en étais certain. Mais où ? Je m’approchais d’elle, en même temps que je réfléchissais. Est-ce que j’ai déjà couché avec elle ? C’est fort probable. Arrivé à quelques mètres, l’illumination apparut dans mon esprit ! Mais oui ! Londres ! La nana dans le bar ! Celle que j’ai ramenée dans mon hôtel et qui est partie avant que je ne me réveille ! D’habitude, c’est moi qui quitte la chambre de la fille avec qui j’ai passé la nuit. Mais elle… elle s’est sauvée avant moi. Quelle étrange coïncidence, je la retrouve ici. Sobre cette fois. Elle était tellement bourrée la dernière fois… Enfin. Je m’avançais jusqu’à son niveau, alors qu’elle était appuyée contre sa voiture – je suppose qu’elle lui appartenait – et arborait un joli sourire.

« Bonjour. Excuse-moi, mais je crois qu'on s'est déjà rencontrés, non? »

Quel est son nom déjà ? Mindy ? Non. Dixie. Mandy. Sadie. Ça finit par le son i j’en suis sûr. Lexi. Riley… Roxy !

« Roxy, c’est bien ça ? »

Je crois. Bon, j’ai peut-être foiré sur le nom, mais son visage, je le visualise parfaitement.

Une chose était sûre, étant plutôt physionomiste, je retenais facilement les visages des gens que j’avais côtoyés. Plus je la regardais, plus mes certitudes se concrétisaient. J’avais déjà couché avec elle, j’en étais sûr. Et c’était d’ailleurs à Londres, il y a quelques temps. Oui, bon, je n’ai pas la mémoire des dates, alors je ne sais plus exactement quand c’était. On ne peut pas tout retenir. D’ailleurs, elle semblait avoir du mal à me resituer… En temps normal, je me serai senti vexé. Quand une femme couche avec moi, elle s’en souvient. Je suis quand même un coup assez marquant. Mais dans son cas, et étant donné l’état d’ébriété avancé dans lequel elle se trouvait à ce moment-là, ce n’était pas très étonnant. Est-ce qu’elle avait au moins l’habitude de boire ? Rien n’est moins sûr. En tout cas, elle me confirma que j’avais le bon prénom. C’est déjà ça. Roxy donc. J’avais eu un doute, l’espace de quelques secondes. Mais finalement j’avais tapé juste. Comme souvent, comme toujours. Lorsqu’elle affirma ne pas se souvenir de moi, je feintais une petite moue vexée.

« En temps normal, je me serais senti profondément vexé que tu ne te souviennes pas de moi tu sais ? Surtout dans ces circonstances. »

Je m’approchais un peu plus d’elle et m’appuyais à mon tour contre sa voiture. Bon, elle me demanda finalement de lui éclaircir la mémoire. Très bien. Allons-y.

« Hum, alors. Si tu ne te souviens pas de moi, c’est pour une raison évidente. Tu étais dans un état d’ébriété avancé en fait. N’importe qui avec la dose d’alcool que tu t’étais enfilé ce soir-là n’aurait plus aucun souvenir de la soirée. Je te rassure. »

Je ne savais pas vraiment pourquoi elle avait bu autant ce soir-là d’ailleurs, mais je dois avouer que sur le moment, c’était le cadet de mes soucis. J’avais d’autres choses en tête. Je pourrais presque dire que ça m’avait arrangé qu’elle boive. C’est toujours plus facile par la suite. Même si bon, je n’ai pas besoin de ça pour ramener des filles dans mon lit. Mon charme naturel suffit amplement à chaque fois.

« Sinon, ce n’était pas dans le coin, mais à Londres. Il y a de ça… Hum plusieurs semaines ? Des mois peut-être ? Je ne sais plus, je n’ai pas la mémoire des dates et très franchement, je n’étais pas complètement sobre moi non plus ce soir-là. Mais je sais que ça ne date pas d’hier. Bref, on s’est rencontré dans un bar, un soir. »

Il me semblait que cela faisait plusieurs mois quand même. Depuis ce jour, j’étais retourné à Londres plusieurs fois, alors du coup mes souvenirs concernant la date n’étaient plus très exacts. Bref, je décidais de m’arrêter là dans les explications, elle allait quand même pouvoir me resituer là non ? Je ne suis quand même pas le genre de mec à passer inaperçu quoi… Si moi je me souviens d’elle après avoir été bourré, elle devrait pouvoir faire un effort non ? De toute façon, je la laissais un peu réfléchir avant de reprendre la parole.

« Ça te revient ou… pas du tout ? Je peux te donner d’autres détails si tu veux. »

Des détails j’en ai pas mal. On a passé la nuit ensemble. Je me souviens même de sa tenue, complète. Et je me souviens également que c’est elle qui est partie le lendemain matin… Alors que d’habitude c’est ma technique…

J’en avais connu des filles, et je me souvenais de la plupart d’entre elles. Celle-là avait retenu mon attention pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle est plutôt canon, et je comprends mieux pourquoi elle a fini dans mon lit. J’étais un peu éméché ce soir-là et forcément, la vue de cette fille avait dû réveiller tous mes instincts. Mais aussi parce que contrairement à toutes les filles avec qui j’ai pu passer la nuit, elle fut la seule à se réveiller avant moi et à osé m’abandonner. C’est moi qui quitte la demoiselle avant qu’elle ne se réveille d’habitude. Enfin bon… Je lui rappelais plus ou moins la soirée pour lui rafraichir la mémoire. Etant donné son état cette nuit-là, cela me paraissait tout à fait normal qu’elle ne se souvienne pas de moi. Encore que, j’ai pourtant tendance à marquer les esprits… Bref, je continuais de me lancer dans les explications et elle ne me coupa jamais la parole. Elle se contentait de chercher dans sa mémoire – sans doute – adossée contre sa voiture et me regardant les mains dans les poches. Elle semblait absorbée par mes paroles tellement elle était concentrée.

Puis soudain, elle sembla se rappeler. Elle venait de s’exclamer à haute voix. Apparemment, ses souvenirs étaient revenus. Forcément, on se souvient toujours de moi. Dans le bon sens, évidemment. Je marque les esprits je vous dis. Et là il semblerait qu’elle ait eu le déclic. Je lui avais quand même demandé si elle souhaitait que je lui apporte d’autres détails, mais elle me répondit négativement, affirmant qu’elle se souvenait parfaitement. A sa réplique suivante, je me mis à sourire par pure fierté. Ah, comment aurait-elle pu m’oublier ? Oui, on se demande puisqu’il y a cinq minutes encore, elle ne se souvenait plus de moi. Mais à présent c’était le cas. J’étais un très bon coup, alors il était vraiment difficile de m’oublier. Un petit rafraichissement de mémoire et hop Caleb réapparait dans son esprit. Normal. Je suis inoubliable.

« On se demande. »

Enfin, l’alcool n’a pas aidé à garder des souvenirs nets et précis de cette nuit-là. Je vais donc la pardonner pour cette fois. D’ailleurs, si elle veut remettre le couvert, je ne serais pas contre. Cette nuit avait été plutôt agréable. En y repensant, les souvenirs affluaient dans mon esprit. Pas le moment au bar, non. La partie dans l’hôtel plutôt. La partie la plus intéressante en fait. Mais elle me coupa dans mes pensées en me demandant mon prénom. Est-ce que je l’avais mentionné ce soir-là ? Hum, sans doute, mais de base, elle ne se souvenait plus de moi, alors j’imagine qu’elle a oublié mon prénom également.

« Caleb. Caleb Morgan. Tu peux me voir dans des magazines, je suis mannequin. »

Petite précision en plus qui ne servait pas à grand-chose, mais si jamais elle zappait de nouveau mon prénom, elle pourrait toujours le retrouver sur internet ou dans les magazines de mode. Enfin, quitte à faire la conversation puisqu’on est bloqués ici, autant poser des questions sur elle. Je m’appuyais contre sa voiture et posais l’un de mes coudes sur le toit pour pouvoir appuyer ma tête contre ma main.

« Alors Roxy, qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne vis pas à Londres ? Qu’est-ce qui t’amène dans cette ville ? »

Je l’avais rencontrée à Londres, alors je pensais qu’elle vivait là-bas. A moins qu’elle ne soit que de passage ici. Ou alors, elle était également en déplacement comme moi à ce moment-là et en fait elle vit dans le coin ? Ce serait une sacrée coïncidence n’empêche, en sachant que je ne l’avais jamais vue avant Londres. Dans ce cas-là, on pourrait vraiment dire que le monde est petit.